Concurrence, fusions et coûts des chantiers : enseignements tirés du modèle de coûts récurrents

Nous avons récemment travaillé sur l’expansion des capacités de l’un de nos modèles de réseaux mobiles : le modèle de coûts récurrents. En résumé, ce modèle considère les acheteurs et les vendeurs de données mobiles comme des agents économiques rationnels. Lorsque le coût de l’offre des données diminue, les consommateurs en achètent davantage. De même, les opérateurs investissent dans des réseaux de plus grande capacité si les recettes attendues dépassent les coûts. Le modèle trouve un équilibre entre l’offre et la demande de données. Pour une discussion complète du modèle et de ses résultats, rendez-vous ici.

Nous avons utilisé ce modèle pour analyser les avantages de la libération de fréquences supplémentaires pour les mobiles (s’il y a plus de spectre, la capacité du réseau et la consommation de données augmentent, et les coûts sont réduits) et pour modéliser l’impact d’une taxe sur le trafic et la valeur du spectre (la taxe augmente le prix des données et supprime la demande). Nous avons également utilisé ce modèle pour étudier l’impact de divers paramètres du réseau sur la valeur du spectre et pour établir des prévisions sur le trafic de données.

Toutefois, le modèle peut également servir à évaluer d’autres stratégies. Dans cette partie de l’analyse, nous utilisons le modèle de coûts récurrents pour explorer brièvement l’impact des coûts des sites mobiles et de la concurrence sur le marché des données mobiles.

La GSMA a estimé la réduction des coûts des sites comme une étape vers un leadership européen dans le domaine du mobile. Le modèle suggère qu’une politique conduisant à une réduction des coûts de site de 2 % par an donnera lieu à une consommation de données supérieure de 38 % d’ici 2030, en comparaison avec des coûts de site constants. La valeur du spectre augmente de manière significative (en complète opposition avec les modèles conventionnels de coûts évités, qui suggèrent que la valeur du spectre diminue à mesure que les coûts de site baissent). Ce modèle implique donc qu’il pourrait y avoir des avantages socioéconomiques substantiels, allant des politiques jusqu’aux réductions de coûts de site.

Il peut également être adapté pour refléter la dynamique de la concurrence sur le marché mobile, via un modèle économique de concurrence en situation de marché oligopolistique. Ces hypothèses impliquent une majoration de prix par rapport au coût marginal des données (dans le « scénario de référence », les entreprises sont supposées fixer le prix au coût marginal). L’importance de cette majoration dépend du nombre d’opérateurs : elle sera plus élevée sur un marché où deux acteurs sont présents, plutôt que quatre.

Ceci étant, nous pouvons explorer les implications d’une fusion sur le prix des données, le trafic de données et la valeur du spectre. Dans le modèle, une fusion augmente la majoration de prix par rapport au coût, ce qui augmente les prix pour les utilisateurs finaux et réduit la consommation de données.[1] . Toutefois, elle permet aussi aux opérateurs de consolider leurs avoirs en spectre, augmentant ainsi la capacité théorique du site mobile moyen. Cela fait baisser les coûts et les prix, ce qui augmente la demande de données. La question de savoir si une fusion se traduit par une augmentation nette de la consommation de données dépend de la force de ces deux effets concurrents.

Par exemple, nous avons étudié deux fusions hypothétiques : de quatre à trois opérateurs et de trois à deux opérateurs. Le modèle suggère, d’après nos hypothèses, que le premier type de fusion conduirait à une expansion du marché des données et à un bénéfice net pour la société. Inversement, le passage de trois à deux opérateurs entraînerait une hausse des prix des données et une réduction de la consommation de données, ce qui se ferait probablement au détriment de la société.

Bien entendu, il convient de noter qu’il ne s’agit pas de résultats généraux, mais plutôt d’un ensemble de suppositions concernant notre marché du mobile hypothétique. Néanmoins, ils démontrent que le modèle offre une nouvelle façon de penser sur une variété de questions stratégiques.

[1] La question qui fait l’objet d’un débat est la suivante : savoir si les fusions entraînent forcément une hausse des prix pour les consommateurs et dans quelle mesure (par exemple, voir Valletti et coll., 2015). Les opérateurs sont également susceptibles de subir une certaine pression concurrentielle du délestage du trafic Wifi.